Le Livre du Voyage
La musique de Loïc Etienne
En Juin 97, Bernard me téléphone: "Cadeau pour
les vacances!". Et il m'envoie le manuscrit du
Livre du Voyage.
Par la Poste. Avant de raccrocher, il m'a juste dit:
"Réfléchis à une musique. Ce que tu
veux."
Je suis donc parti en vacances car j'étais
très très fatigué.
Mais vous savez, avec Bernard, on ne laisse jamais
très longtemps les choses en plan. Il possède
ce don très insistant de vous faire partager son
enthousiasme, même si vous êtes à mille
lieux de vous prêter à ses fantaisies.
Lorsque j'ai lu le manuscrit, les images me sont venues
immédiatement aux oreilles.
Sujet-verbe-complément. Tout était simple.
Mais d'une grande force évocatrice. C'est surtout le
passage du Monde du Feu qui m'a donné envie
d'écrire cette musique. Vous savez pourquoi? Pour le
dénuement du champ de bataille. Pour sa simple
atrocité. Je vous en cite un passage :
"Mitrailleuses.
La Révolution Russe.
La guerre d'Espagne.
Le bombardement de Pearl Harbor.
La bataille de Stalingrad dans la neige, le sang et la
rouille.
Orgues à roquettes qui éclairent la nuit en
feulant.
Le débarquement en Normandie, les barges qui
déversent des soldats courant sur la plage sous le
sifflement des balles.
Bombe atomique.
Le champignon s'élevant au dessus d'Hiroshima.
Nagasaki.
La guerre d'Indochine. La guerre de Corée.
La guerre du Vietnam. La guerre du Golfe. Les massacres au
Rwanda, en Afghanistan..."
Aucun effet de style. Rien. Des lieux, la guerre.
L'imagination fait le reste.
Alors, dès mon retour de vacances, j'ai tout
laissé tomber pour explorer ce livre. Avec mon
imaginaire, en suivant celui de Bernard à la trace.
Comme le musicien de film que je suis, plonge dans les
images qu'on lui confie.
Pendant les deux mois d'été, je suis
resté cloitré avec le Livre du Voyage.
Scotché sur la paroi de mon cerveau. Bernard m'a
donné des clefs, les Séphiroth. Et c'est
à partir de ces figures géométriques,
issues de la Kabbale, que j'ai construit la musique. Tous
les livres de Bernard ont une architecture très
élaborée. La musique a suivi les même
principes. Rassurez-vous ce n'est pas de la musique
concrète. C'est au contraire une musique très
visuelle. Une musique de film. Une musique de livre. La
première musique de livre.
J'ai mon passage préféré: c'est celui
de l'accouchement dans le Monde de l'Eau. Est-ce à
cause de ma formation de médecin que je me suis mis
à cet instant dans la peau du bébé qui
naît au milieu des cris de la mère
résonnant dans la froideur des salles
carrelées, avec son oeil grand-angle et myope,
terrorisé par les forceps étincelants des
sages-femmes?
Sans doute. On échappe difficilement à la
violence. Mais il y a aussi l'imaginaire du Monde de l'Air,
la douceur du Monde de la Terre, et le plongeon
étoilé dans les antres de Gaïa, notre
planète...
Tous ces mondes, je vous invite à les
découvrir en vous-même, comme j'ai
découvert dans ma propre vie, à la lueur des
mots et des sons, ces ombres et ces lumières que je
ne connaissais pas.
Loïc Etienne
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