HISTOIRE REELEMENT VECUE N°09 -
“COMMENT JE SUIS DEVENU RACONTEUR D'HISTOIRE"
EPISODE 01. "LA PETITE PHRASE ETINCELLE"
Je me souviens.
C'était à TOULOUSE, j'avais 8 ans.
Ce jour là, pour changer un peu, au lieu de proposer un sujet imposé le professeur nous avait demandé d'écrire une rédaction libre sur le sujet de notre choix.
Je racontais donc sur 4 pages l’histoire d’une puce qui gravissait un homme comme un alpiniste escalade une montagne.
C'était elle qui racontait son vécu.
Elle partait des pieds, se hissait sur les chaussettes, les mollets, arrivait dans le puits du nombril et finissait par gravir le crâne par son versant nuque pour terminer dans la jungle des cheveux ou elle se faisait copine avec des poux.
Le professeur me dit :
- Werber, je vous ai mis un zero car vous avez fait cinq fautes d'orthographes mais je dois vous avouer, que... votre rédaction m'a d'abord surpris par son thème, étonné par son point de vue et pour tout dire je me suis vraiment régalé à vous lire. En fait, personnellement, j'ai même éclaté de rire tout au long de la lecture. Tout me surprenait dans votre récit. Ce qui est assez rare.
Il me précisa.
- Il n'y a juste que la première phrase qui n'est pas correcte. Il est un peu trop tôt pour vous l'expliquer mais un jour vous comprendrez pourquoi on ne peut pas écrire cela.
Cette première phrase était je m’en souviens précisément.
« Je suis une puce, née d’un père puceau et d’une mère pucelle ».
Du coup les autres élèves par curiosité avaient voulu lire la copie de cette rédaction et tout d'un coup j'ai vu leurs regards changer à mon égard.
Je n'étais plus identifié seulement comme le binoclard nul au sport et nul aux récitations par coeur, j'étais aussi quelqu'un d'autre que venait de découvrir ce jour là ce professeur.
Je commençais à EXISTER.
Par la suite encouragé par ce même professeur, et aussi par le groupe des filles de la classe qui aimaient écouter mes récits inventés j'ai continué à m'amuser à écrire des histoires bizarres qui surprennent. (Je me souviens d’une Béatrice au grand yeux bleus la fille du colonel de la caserne Cafarelli qui m’impressionnait beaucoup car elle était la meilleure de la classe en mathématiques … et j'en étais donc forcément tombé amoureux).
Le professeur a demandé ensuite à tous les élèves de faire comme moi une histoire ou ils se retrouvaient dans la peau d'un animal.
J'en profitais pour explorer un peu plus cette idée.
La rédaction qui suivi était « SOUVENIR DE SAFARI ». Dans ce récit le safari était raconté non pas par les chasseurs mais par le lion qui commençait à être fatigué que les humains viennent toujours le déranger. Alors il montait un piège et arrivait à tuer un par un les trois chasseurs. J'écrivis une troisième histoire "MEMOIRE D'UN ARBRE". L'histoire d’un arbre qui racontait qu’il souffrait quand les amoureux venaient graver des cœurs sur son écorce.
Puis suite à la découverte des nouvelles d'EDGAR ALLAN POE je continuais, non plus en rédaction mais juste pour mon plaisir, à rédiger les "ENQUETES DE MENARD ET TARPIN", deux détectives qui se trouvaient dans des énigmes à la frontière du réalisme.
Dans une de leurs enquêtes ils devaient trouver pourquoi les gens qui entraient dans un château disparaissaient tous.
A la fin ils découvraient que l’assassin était le château lui même qui en fait était… vivant et dont la cave était une bouche affamée. Il tuait et mangeait les touristes qui venaient le visiter.
Avec le recul je m’aperçois que déjà à l’époque ce qui m’intéressait était de parler de l’homme avec un regard extérieur, celui d’une puce, d’un lion, d’un arbre ou d’un château vivant.
Une simple rédaction sur thème libre, un professeur qui a trouvé l'encouragement sympa et c'est comme si on avait placé la locomotive sur les rails.
Je ne le savais pas encore mais il venait de m'indiquer ma place dans l'univers.
RACONTEUR D'HISTOIRE.
Comme quoi les professeurs, par de toutes petites touches, peuvent débloquer les destins.
Il suffit d'une phrase au bon moment.
(toutes les histoires sont à cette adresse:
http://www.bernardwerber.com/blog/index.php?label=1)